Priorité au problèmes d’addiction pour l’ouverture du marché
15 mai 2009 - Le 11 mai dernier avait lieu au Sénat un débat de plus sur l’ouverture du marché du jeu en ligne, intitulé “Jeux de hasard et d’argent: nouvelle donne, nouvelle politique?”. L’évènement était organisé par Aromates, sous la présidence du sénateur Nicolas About. Le ministre du budget et des comptes publics, Eric Woerth, était présent.
Celui-ci a rappelé le principe fondamental de cette ouverture, qui se doit de permettre la concurrence sans toutefois mettre en danger le citoyen et la santé publique. Le plus important reste d’éviter les risques d’addiction, quoi qu’en dise la Commission européenne sur la libre concurrence.
Eric Woerth pointe du doigt le retard de la France en matière de prévention de la dépendance aux jeux. A l’heure actuelle, aucune statistique n’est disponible concernant le nombre de joueurs dépendants. Le jeu en ligne peut être encore plus risqué que le jeu traditionnel, à ce point de vue, l’écran (et d’autres facteurs) augmentant les risques de dépendance. Le projet de loi devra donc remédier à ce retard, et c’est pourquoi il prévoit la création d’un Comité consultatif des jeux, qui disposera de moyens financiers et qui devra réaliser des études sérieuses sur le sujet.
Quant à la protection des citoyens français, le projet de loi prévoit de la laisser aux mains de l’Etat, par une régulation stricte, et non de permettre aux opérateurs de se fixer leurs propres normes. Le projet de loi imposerait donc certains outils: limite du TRJ (taux de redistribution aux joueurs), plafonné entre 80% et 85%; affichage obligatoire du niveau des pertes pendant le jeu; affichage d’un lien vers des associations agrées d’aide aux joueurs compulsifs et de prévention.
Ces outils doivent encore être débattus, et l’ont déjà été au cours de ces colloques du mois de mai. Les opérateurs affirment en effet qu’un TRJ aussi bas ne leur permettra pas d’être concurrentiel, les opérateurs étrangers se vantant généralement d’offrir un TRJ de plus de 95%, bien plus alléchant auprès des joueurs. Les législateurs restent quant à eux convaincus qu’un TRJ élevé favorise la dépendance, en donnant la sensation de gain quant en réalité le joueur reste perdant.
Des associations de protection des joueurs et de prévention de la dépendance seront rassemblées dans un groupe de travail aux côtés de médecins spécialisés. Ils travailleront avec l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé, qui recevra un soutien financier direct de la part des opérateurs. L’idée sera de mettre en place des campagnes de sensibilisation du public sur le jeu, centrée sur les activités les plus risquées en terme de risques de dépendance, et sur les publics les plus fragiles, comme les jeunes.
Les opérateurs désireux d’obtenir une licence française devront montrer leur capacité à se conformer à ce cahier des charges, et faire preuve de résultats. Ils devront pouvoir contrôler l’âge des joueurs, prévenir la dépendance par des outils efficaces, assurer la transparence des transactions, et payer les taxes demandées. Lors de la rédaction du cahier des charges, qui viendra après l’acceptation du projet de loi, le groupe de travail comprendra également des opérateurs du secteur, afin que les règles imposées soient réalisables.
A l’opposé, les opérateurs sans licence ne pourront pas faire de la publicité en France, l’accès à leurs sites devra être bloqué, tout comme leurs transactions financières avec les joueurs français. Le principe est donc de donner de la carotte et du baton pour inciter les opérateurs à se conformer à la législation. Ces outils devraient être mis en place dès l’ouverture; ils sont actuellement en préparation avec le Ministère de l’Intérieur.
Enfin, l’ouverture se devra d’être équitable pour les nouveaux opérateurs. Ceux qui existent déjà sur le marché ne pourront pas anticiper l’ouverture par des campagnes publicitaires agressives, déstabilisant non seulement les nouveaux venus mais aussi la crédibilité de la loi en elle-même, qui veut protéger les joueurs. Ces opérateurs, s’ils profitent de leur supériorité financière pour faire du matraquage publicitaire, seront sanctionnés par la CSA et peut-être même par les tribunaux. L’amende peut monter jusqu’à quatre fois le prix dépensé pour la campagne publicitaire, et devrait s’avérer décourageante. Le message d’Eric Woerth aux opérateurs présents ce jour-là: “Nous travaillons pour vous, alors restez calme et conformez-vous aux limites que la loi fixera, sans quoi vous serez sanctionné. Il s’agit de garantir également la libre concurrence lors de l’ouverture.”